Un racisme sans races
Relations : Y a-t-il continuité ou rupture entre le racisme d’hier et celui d’aujourd’hui qui a banni le mot race ?
Étienne
Balibar : Il y a nécessairement des continuités essentielles, d’abord
parce que les modes de pensée ou de représentation qui s’enracinent dans
les sentiments d’appartenance et dans les images de la communauté
n’évoluent que très lentement, mais surtout parce que – contrairement à
ce que mes précédentes remarques pourraient donner à penser – le racisme
n’est pas simplement un phénomène psychologique; il a toujours une
base institutionnelle. Il m’est arrivé de dire que tout racisme est un
« racisme d’État » : c’est peut-être tordre le bâton exagérément dans
l’autre sens. J’avais en vue la façon dont se développait en France
l’idéologie de la « préférence nationale », autour de laquelle la droite
et l’extrême-droite ont échangé une partie de leurs discours et de
leurs électorats ; mais je crois quand même que tout racisme est inscrit
dans des institutions et dans les « effets pathologiques » plus ou
moins accentués liés à leur fonctionnement.
musica: Gaetano Curreri
album: Ancora Barabba, 2010